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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/140

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LA POUPÉE SANGLANTE

que je me promène dans les Champs Élysées ?…

— Vous êtes beaucoup moins à plaindre que moi ! m’expliqua-t-elle avec cette logique spontanée, candide et irréfutable que l’on trouve à peu près chez toutes les femmes… oui, beaucoup moins à plaindre puisque c’est par ma faute que vous êtes malheureux !… Et s’il n’y avait que vous !…

— Ah ! oui ! fis-je de plus en plus abasourdi, il y a encore le prosecteur !… Mais pourquoi ne l’épousez-vous pas ?…

J’éprouvais une joie funeste à me déchirer et à la déchirer, elle aussi, autant qu’il était dans mes moyens de le faire, moyens que j’espérais bien pousser jusqu’au bout, maintenant que nous avions entrepris cette marche à l’abîme.

— Parce que je ne l’aime pas ! m’avoua-t-elle avec un gros soupir, et en continuant de laisser couler ses libres larmes sur l’image que j’abhorrais !…

— Et comment, ne l’aimant pas, lui avez-vous promis le mariage, pourriez-vous m’expliquer cela, Christine ?

— Fort honnêtement, répondit-elle… Jacques ne vit que pour moi, depuis sa plus tendre enfance. Le peu que vous en connaissez maintenant vous permettra d’apprécier mes paroles sans sourire, quand je vous aurai dit qu’il est en train de devenir l’un des premiers, peut-être le premier savant de ce siècle. Eh bien ! Jacques se moque de la gloire, de la fortune et de tout ce qui se rattache à l’humanité en général ! Il ne vit que pour moi ! Ce génie, que l’on ne peut entendre dix minutes sans en être ébloui, n’a qu’un but : me serrer dans ses bras et me faire la mère de ses enfants !… Et vous auriez voulu que, d’un mot, je souffle sur cette flamme, que je fasse de