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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/196

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LA POUPÉE SANGLANTE

Et il se reprit à courir, mais, cette fois, dans la direction contraire, laissant là Christine, rentrant à Corbillères de toute l’agilité de ses petites jambes, décuplée par la terreur… Quant à Mlle Norbert, se voyant abandonnée, elle n’hésita pas à courir comme à un refuge vers le chalet où il lui fallait, du reste, avertir Bénédict Masson du danger qu’il courait avec ce feu de cheminée qui ne cessait pas, bien au contraire…

Heureusement que le vent venant de s’établir au sud-ouest rejetait tout le panache incendiaire loin du toit, du côté de la petite saulaie dont les arbres accroupis surgissaient de temps à autre de la nuit tragique avec des bras tordus, torturés, suppliants.

Il est facile de se rendre compte de l’état d’esprit dans lequel Christine arriva à la porte du chalet. L’aspect sinistre du pays qu’elle venait de traverser, la vision de ce cadavre que des eaux bouillonnantes avaient apporté à ses pieds comme l’offrande diabolique de ces lieux funestes, ces flammes qui s’échappaient de ce toit, cet enfant qui s’enfuyait en hurlant d’horreur : tout contribuait à la jeter pantelante sur ce seuil où elle n’avait plus d’espoir qu’en Bénédict Masson !

Son poing eut à peine la force de frapper, mais un grand cri s’échappa de ses lèvres :

— Bénédict ! Bénédict !

Auquel un autre cri, derrière la porte, répondit d’une façon terrible.

Un cri ? disons plutôt un hurlement qui était en même temps un monstrueux blasphème, une clameur effrayante qui se continuait en imprécations délirantes et qui frappa Christine au cœur.

Et la porte ne s’ouvrait pas…

Contre cette porte, Christine agonisait mainte-