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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/198

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LA POUPÉE SANGLANTE

pour les narguer, pour les gêner dans leurs habitudes et pour les mépriser, puisqu’il n’aimait ni la chasse, ni la pêche dont ils vivaient.

Quand le gamin leur eut appris, dans un langage entrecoupé par l’épouvante, que le cadavre du père Violette naviguait entre deux eaux sous les pilotis du pont près de l’étang, ils se levèrent tous, unanimes :

— C’est le Peau-Rouge !

Du reste, il n’en était pas à son premier coup ! Il y avait beau temps que dans le pays il faisait figure d’assassin ! De l’Arbre Vert à Corbillères, nul n’ignorait non plus l’animosité qui existait entre les deux hommes… sans compter que, dans ces derniers temps, le père Violette n’était pas le seul à se demander ce qu’était devenue la petite Anie…

Cinq minutes plus tard, ils étaient une vingtaine du village, tous armés, qui, de fusils, qui de bâtons, de fourches, prêts à entrer en campagne contre le Peau-Rouge.

L’appariteur était allé chercher son tambour et on avait eu toutes les peines du monde à l’empêcher de battre sa caisse… Il n’en prit pas moins la tête de l’expédition, une baguette dans chaque main, décidé à faire entendre une charge héroïque dans le cas où sa petite troupe faillirait au moment de l’assaut.

Le petit Philippe trottait à côté de lui…

De l’un à l’autre on se recommandait le silence et l’on arriva ainsi à la queue leu leu, à cause de l’étroitesse du sentier, jusqu’aux pilotis du petit pont où le père Violette les attendait, avec sa figure de papier déjà à mi-mâchée par la mort, par l’humidité, par la morsure des poissons et avec le trou noir de sa gueule ouverte qui leur criait : « Vengeance ! »