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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/221

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LA POUPÉE SANGLANTE

avait été condamnée par un méchant destin à partager la couche de « l’empouse ».

Mais, derrière le cercueil, porté par quatre forts gars du village, « l’empouse » montrait une telle figure de malheur, arrosée de tant de larmes, un gémissement si affreux secouait son grand corps courbé sous la douleur que la réalité de ce désespoir conjugal n’avait pas tardé à faire reculer bien loin dans tous les esprits la cruelle légende dont, après tout, ce pauvre Georges-Marie-Vincent était peut-être la première victime.

On se rappelait de quels soins on l’avait toujours vu entourer la marquise. On ne vit plus qu’un mari qui pleurait sa femme, et l’on pleura avec lui, non seulement sur elle, mais sur lui-même !

Un incident, qui se passa au moment où le cortège quittait « la baille » pour entrer dans la petite enceinte du cimetière qui précédait la chapelle, souleva même tout ce peuple en sa faveur. La veuve Gérard se tenait là, appuyée à un pan de mur, à demi dissimulée derrière un chèvrefeuille, mais pas si bien toutefois que le marquis ne l’aperçût, malgré son désespoir. Il se redressa, menaçant, terrible : ses yeux, tout à l’heure embués de larmes, parurent comme desséchés par le feu qui en jaillit ; son bras s’étendit sur la Gérard, comme poussé par un ressort qui était assurément celui de l’indignation arrivée à sa dernière puissance ; sa bouche remua, mais elle n’eut pas à prononcer le « va-t’en ! » dont elle était pleine. Comme soulevée de terre par l’épouvante, la veuve était déjà partie, se jetant hors du château et dévalant vers la « prée » (la prairie) comme pierre qui roule.

C’est tout juste si l’on n’applaudit pas !

Chacun comprenait cette sainte colère… Après