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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/246

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LA POUPÉE SANGLANTE

commençai à trembler… j’allai à la fenêtre… et comme je ne voyais rien… que le cimetière me paraissait bien tranquille… j’ai ouvert la fenêtre… Alors j’ai entendu la voix qui reprenait avec plus de force : « Drouine ! Drouine ! »… Alors je l’ai aperçue debout contre le mur du rempart. « Tu ne me reconnais donc pas ? dit-elle… c’est moi, ta maîtresse, la marquise de Coulteray, la femme de l’empouse… Qu’as-tu fait de moi, Drouine ? »

» Je tombai à genoux, en faisant un grand signe de croix. Ah ! c’était elle !… c’était bien elle !… c’était bien sa voix, ses manières si douces et si tristes, tout !… Elle reprit : « Qu’as-tu fait de moi, Drouine… qu’as-tu fait de moi ?… Pourquoi ne m’as-tu pas livrée à Sangor ?… Ma gorge l’attendait ! Et maintenant, ma gorge a soif ! »

» Oui, elle a dit cela, je suis sûr qu’elle l’a dit ! Elle parlait très distinctement… On entendait sa petite voix claire comme une clochette d’argent dans la nuit… Sa voix n’était pas méchante, mais ce qu’elle disait était terrible : « Tu as fait de moi l’épouse de Louis-Jean-Marie-Chrysostome pour l’éternité ! »

» Là-dessus, elle a disparu par la brèche, elle a glissé tout le long de « la prée »… Elle s’est retournée un instant pour me faire un signe d’adieu et elle est entrée sous le bois… Qu’Orfon ait mon âme, si j’ai menti !… »

Drouine s’était mis à genoux et se signait et se donnait de grands coups sourds dans la poitrine comme pour son mea culpa, Comme si tout ce qui arrivait là était bien de sa faute.

Il répéta dans un sanglot :

— C’est épouvantable !… C’est moi qui l’ai livrée au démon !… Que Jésus ait pitié de nous !