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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/71

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LA POUPÉE SANGLANTE

— Je vous dis que c’est une femme pleine d’imagination… elle s’imagine qu’elle a froid… et elle a froid !… Savez-vous son idée ?… l’idée qui la transit ?… l’idée qui la fait se promener comme une ombre dans cet hôtel de la Belle au Bois dormant… C’est à ne pas croire… et je ne l’aurais pas cru si le marquis lui-même ne m’avait ouvert les yeux sur l’étrange monomanie de sa femme… dont il a été le premier à souffrir, car il a beaucoup aimé sa femme… Eh bien ! mon cher monsieur Masson, la marquise s’imagine que tous les marquis que vous voyez sur la muraille et celui d’aujourd’hui Georges-Marie-Vincent… c’est le même !…

— Ah ! je comprends !… je comprends maintenant !…

— N’est-ce pas ? vous comprenez son « n’importe lequel » ? qu’elle m’a déjà servi à moi et que j’ai répété au marquis qui m’a tout expliqué avec une grande tristesse…

— En effet, elle est folle !

— Oui, pour elle, le marquis Louis XV que vous voyez là, sur le mur, le fameux Louis-Jean-Marie-Chrysostome… n’est pas mort !… pas plus que les autres !… et le Georges-Marie-Vincent d’aujourd’hui, c’est encore et toujours Louis-Jean-Marie-Chrysostome !… Je dis : et toujours ! parce qu’elle est persuadée que, maintenant, il ne peut plus mourir !… à moins… à moins…

— À moins ?…

— Ah ! fit Christine, cette fois, vous m’en demandez trop long… Ce serait entrer dans un ordre d’idées que je n’ai pas encore le droit d’aborder avec vous !… Le marquis, que vous voyez si gai, si bon vivant, ne tient pas à ce que l’on connaisse toutes ses misères… Du reste, quand je le vois trop exubérant, je me doute