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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/76

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LA POUPÉE SANGLANTE

La bonne femme devint cramoisie, puis passa au violet foncé, se mordit les lèvres, croisa fébrilement son fichu sur sa poitrine plate, enfin se dirigea vers la porte… mais avant de me quitter elle se retourna :

— C’était pour vous dire que le beau jeune homme est revenu !

Je ne pus m’empêcher de lui demander :

— Quel beau jeune homme ?

— Le jeune homme en manteau avec des bottes et le chapeau à boucle…

Je sentis que tout chavirait autour de moi… Je balbutiai :

— Celui que…

— Oui, celui dont je vous ai parlé un jour chez Mlle Barescat… eh bien ! il est revenu !… Le beau Gabriel est revenu !…

Je la fixai d’un œil hagard.

Étant tout à fait dans l’impossibilité de cacher mon émotion, la mère Langlois jouissait amplement de l’effet qu’elle produisait.

— Ah ! ah ! vous ne me chassez pas, maintenant !… Ah ! c’est qu’il lui en faut à la petite, vous savez !… Avec ses grands airs… avec ses grands airs !

J’avais envie d’étrangler cette horrible femme. Je me retenais pour ne point lui sauter à la gorge…

Par un prodigieux effort sur moi-même, j’arrivai à prononcer d’une voix à peu près normale, cependant que j’essuyais la sueur qui me coulait des tempes :

— Vous m’étonnez, madame Langlois… Je savais que ce jeune homme était très malade…

— Oh ! il a l’air bien démoli… ça, c’est vrai… mais voilà la bonne saison… avec les soins de la jeune personne, il sera vite rétabli !…