Aller au contenu

Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/80

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
77
LA POUPÉE SANGLANTE

Dès la nuit même de l’affaire, le prosecteur avait dû rassurer Christine et le père Norbert lui-même sur les suites de l’accès de rage qui avait jeté comme un fou l’horloger sur son hôte mystérieux…

Ce n’était pas un cadavre que dans la nuit du lendemain on avait descendu sous mes yeux, dans une couverture, mais un malade, un démoli auquel on avait dû faire les premiers pansements dans la chambre de Christine, et que l’on avait transporté dès qu’on l’avait pu, chez le prosecteur, où il était encore !…

Et moi, je m’étais imaginé des choses… J’avais respiré une odeur !…

L’esprit va loin sur la mauvaise route… Ce n’est pas la première fois que je m’en aperçois depuis… Henriette Havard… et les autres… toutes les autres qui ne sont pas revenues… Je suis porté à voir des drames partout… alors que, le plus souvent, il n’y a que de la comédie !…

Ce que je venais d’apprendre n’éclairait point les ténèbres qui entourent ce singulier personnage de Gabriel, ne me renseignait point sur sa présence dans l’armoire, sur la façon dont il pénètre chez les Norbert, ni sur l’attitude de toute la famille à son égard… Mais au moins Christine, que j’avais vue si tranquille au lendemain du drame, ne m’apparaît plus comme un monstre inexplicable, comme une poupée sans cœur et sans pitié, comme une froide figure de la beauté que j’adorais quand même, mais à laquelle je ne pouvais songer, dans le moment que je n’étais point sous le joug de son regard, sans une déchirante horreur !…

Tout cela est très bien ! très bien !… Seulement !… seulement Gabriel vit et elle l’aime !…