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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/82

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LA POUPÉE SANGLANTE

lui qu’il faut me laisser en paix… que ma pauvre tête s’égare… et que ce docteur finira par me rendre tout à fait folle !…

— Quel docteur ? demandai-je.

À ce moment, la porte de notre cabinet s’ouvrit et la cariatide de bronze apparut dans l’embrasure… L’hercule indien courbait la tête et les épaules comme s’il soutenait toute la maison :

M. le marquis fait prier Madame la marquise de se rendre dans ses appartements, où le docteur l’attend.

Je regardais la pauvre femme ; elle claquait des dents… Rodin, pour sa porte de l’enfer, n’a pas inventé une figure où l’effroi de ce qui va arriver creusât des rides plus cruelles… Ravagée par l’épouvante, elle nous regarda tour à tour éperdument… En vérité, je ne savais quelle contenance tenir, ignorant en somme de ce dont il était question… Mais toute ma pitié allait à cet oiseau blessé qui cherchait un refuge…

Christine lui dit avec tristesse :

— Allez, madame, vous savez bien que c’est pour votre santé !

Elle entr’ouvrit ses lèvres exsangues, mais les mots ne sortirent point… Elle tremblait de plus en plus… Elle me regarda de ses yeux immenses et glacés…

— Mon Dieu ! fis-je… mon Dieu !…

Je ne trouvais pas autre chose à dire.

Sangor répéta encore sa phrase… les épaules de plus en plus courbées, comme si, sous le poids, il allait laisser choir toute la bâtisse… et, plus il était courbé, plus il paraissait formidable dans son épaisseur musclée. Enfin, comme cette scène semblait ne devoir pas avoir de fin, l’hercule se déplaça, se courba encore, allongea vers la marquise un bras redoutable. Celle-ci fut debout en