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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/84

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LA POUPÉE SANGLANTE

— Pourquoi donc ?… Si vous la voyez dans cet état, c’est qu’elle se refuse à prendre quoi que ce soit avec une obstination qu’on ne retrouve que chez les grévistes de la faim !… Or, Saïb Khan est le seul qui puisse la faire manger !

— Comment cela ?

— Il l’hypnotise !… Vous connaissez son système… on en a assez parlé… Agir sur l’esprit pour guérir la matière !… Ça n’est pas une nouveauté, mais l’Inde possède depuis des siècles une thérapeutique de l’esprit auprès de laquelle la science de nos Charcots modernes est un balbutiement d’enfant nouveau-né… Évidemment, quand Saïb Khan a affaire à une cliente difficile comme la marquise… une cliente qui se refuse… il doit agir avec une brutalité psychique dont je n’ai même pas une idée et qui, à l’avance, anéantit la pauvre femme… Vous comprenez maintenant pourquoi son égarement ne me donnait que de la tristesse… pourquoi j’encourageais la malheureuse… pourquoi je lui disais que « c’était pour son bonheur !… »

— Et tout cela parce qu’elle s’imagine qu’elle est mariée à…

Christine me regarda fixement.

— Mariée à qui ?… Dites toute votre pensée, insista-t-elle.

— Eh bien, mariée à un phénomène qui est plus fort que la mort… Est-ce bien cela ?

Elle hocha la tête d’une façon qui ne me satisfit qu’à moitié. J’insistai à mon tour :

— Tout cela ne tient pas debout… Elle pourrait s’imaginer cela et ne pas se laisser mourir de faim !

— Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?… Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?