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Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/94

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LA POUPÉE SANGLANTE

Presque aussitôt, la porte qui donnait sur le petit vestibule s’ouvrit et la marquise parut :

— Où a-t-il appris tout cela ? me souffla-t-elle… Où a-t-il appris cela ?… Pourriez-vous me le dire ? Georges-Marie-Vincent a eu une instruction très négligée… d’après même ce qu’il raconte. Il n’a jamais su me dire le nom de son précepteur… Alors ?…

Elle avait écouté derrière la porte… C’est donc en vain que, physiquement, elle se portait mieux ! L’idée était toujours là… cette idée absurde qui me faisait la regarder maintenant avec une tristesse infinie… Elle ne se méprit point à mon air :

— Je vous fais de la peine, n’est-ce pas ? Christine a dû exciter votre pitié !…

Et plus bas :

— Elle n’est pas ici, Christine ?

— Non ! elle vient de partir !…

— Oh ! tant mieux, fit-elle, nous allons pouvoir causer… Elle vous a dit, bien entendu, « l’idée »… Ils me croient tous folle ici… Il y a des moments où je voudrais être morte !… oui, morte !… mais j’ai peur même de la mort !… Oui, il y a des moments où j’ai peur de la mort plus que de tout !… et je vous dirai pourquoi, un jour… à moins que vous ne le deviniez d’ici-là !… j’ai peur de la mort ; j’ai peur de la vie, j’ai peur de Saïb Khan !… Celui-là est tout-puissant… Il peut tout ce qu’il est possible de pouvoir… s’il avait pu m’arracher l’idée du corps comme on arrache une dent, ce serait chose faite depuis longtemps… je l’ai connu aux Indes… aucune idée ne lui résiste !… Pourquoi n’a-t-il pas réussi avec moi ?… parce que, chez moi, l’idée n’est pas seulement une idée, c’est le reflet de la réalité… Vous comprenez bien… ce n’est pas une imagination sur laquelle un homme comme Saïb Khan