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Scène XVI

Les mêmes, moins LEPERRIER

D’abord un silence.

Jean, rompant le silence. — Mais elles n’existent pas !…

Le Président. — Pourquoi n’as-tu pas voulu voir le dossier ?

Jean. — Parce que ce n’est pas vrai ! Marie-Louis est bien de cet avis, n’est-ce pas ?… Ce n’est pas vrai ! Est-ce que vous douteriez de l’ancêtre ?

Marie-Louis. — Si c’était vrai !…

Jean. — Ça n’est pas possible.

Le Président. — Non, non, ça n’est pas possible.

Jean. — Ça n’est pas possible, parce qu’alors il n’y aurait plus rien.

Le Président. — Oui, la justice serait finie…

Marie-Louis, secouant la tête, sceptique. — Il faut tout dire à l’ancêtre…

Jean. — Oui, oui. Maintenant il faut tout dire à l’ancêtre !

Le Président. — Oui oui, à l’ancêtre !… Allons demander à l’ancêtre !…

Le président, Jean, Marie-Louis se précipitent vers l’escalier. Ils aperçoivent l’Ancêtre en haut de l’escalier et s’arrêtent.

L’Ancêtre. — C’est vrai !… (Ils reculent pleins d’épouvante. Jean pousse un gémissement de bête blessée, l’ancêtre descend lentement les marches de l’escalier.) Vous voilà donc, ô les trois âges de ma jeunesse !… Une fois de plus vous vous dressez devant moi, vous venez me demander, anxieux et farouches : « Est-ce vrai ? » Car n’imaginez point, ô mes fils, que c’est la première fois que vous m’apparaissez ainsi avec vos yeux d’épouvante et vos bouches terribles qui me crient : « Est-ce vrai ? » Ô mes fils ! Ô les trois âges de ma jeunesse ! Depuis des années sans nombre vous êtes venus, croyez-moi, vous êtes venus !… Vous ne m’avez point quitté, vous dis-je, attachés comme des ombres, nuit et jour, à mes pas. Et je ne cesse de vous répondre : « C’est vrai ! » Et cependant, vous revenez toujours m’interroger, si bien qu’un autre que le vieux Pétrus eût pu prendre vos ombres pour des remords ! Ô les trois ombres de ma jeunesse ! J’étais comme toi, mon Marie-Louis, une pauvre petite âme de magistrat, timide et pleine de forfanterie, et j’écri-