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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 1.djvu/84

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LE CHÂTEAU NOIR

s’est arrêté là pour dresser au fond de l’Orient épouvanté cette bâtisse de forme hideuse, hérissée, effrayante comme une bête gigantesque à l’affût, animal de Apocalypse qui guette la terre du haut des repaires célestes, bloc toujours prêt pour la bataille, forteresse de proie que les siècles ont noircie, mais n’ont pas pu entamer !…

« En avant !… En avant !… Le Château Noir ! C’est le Château Noir !… » Et Rouletabille court jusqu’au fond de cette sombre aventure comme un Don Quichotte moderne, qui, plus heureux que l’ancien, a une vraie dame à sauver !…

Leur courage a vaincu l’ouragan, mais ils n’ont point fini de lutter. La tourmente se transforme. Le vent s’est tu. Mais voilà qu’une pluie atroce, froide et noirâtre, épanche ses inépuisables torrents ; la terre qui la reçoit exhale ses vapeurs empestées ; et le choc de la grêle et des frimas flottants, mêlé au fracas des eaux qui gardent le pied de ces murs monstrueux, fatigue la nuit qui tombe !…

« C’est-y bientôt qu’on arrive ? demande le lamentable La Candeur, cependant que Vladimir se déclare enchanté de la douche.

— Encore un peu de patience ! crie Rouletabille. Quand tu y seras, tu ne demanderas qu’à en sortir… »

Mais il est probable qu’on les a vus du château, car ils n’ont point à faire entendre d’appel. À leur approche, un énorme pont-levis se baisse, les happe au passage, les fait glisser au-dessus de l’abîme, puis se soulève au bout de ses chaînes et vient se recoller avec un bruit sourd contre la porte du Château Noir qui a englouti nos voyageurs…