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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/126

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LE CHÂTEAU NOIR

la tout son monde sur la plate-forme ; et chacun à plat ventre, l’œil au-dessus de l’ouverture, se mit tranquillement à fusiller les brigands qui étaient déjà en grand nombre dans le fossé.

« Tirez lentement, posément !… Visez bien votre homme ! disait Rouletabille, nous n’avons pas de munitions à gaspiller. »

Et lui-même, donnant l’exemple, ne manquait jamais son but. Du chemin de ronde, il était impossible d’atteindre nos jeunes gens, qui restaient invisibles derrière leur rempart de pierre. Certes on ne se faisait pas faute, en bas, de diriger sur le sommet de la tour une fusillade nourrie, mais qui ne donnait aucun résultat. L’assiégeant n’eût pu gêner les tireurs que de la tour de veille, mais il n’y avait pas encore songé.

Quant aux soldats qui étaient dans le fossé, il eût fallu qu’ils tirassent droit au-dessus d’eux, la crosse du fusil sur l’épaule et avec beaucoup d’adresse pour que leurs projectiles se glissassent par les étroites ouvertures d’où leur tombait cette pluie d’enfer !

Si bien que s’il y avait eu une bousculade au moment où les assiégeants s’étaient jetés dans le fossé, il y en eut une autre au moment où ils se ruèrent pour remonter dans le chemin de ronde. Alors, il n’y eut plus qu’à taper dans le tas, à laisser se vider tout seuls les chargeurs, qui décrochaient les soldats des échelles, par grappes.

Bien peu parvinrent à se tirer de ce mauvais pas ; et ceux qui arrivèrent finirent de jeter le désarroi dans la troupe qui avait été chargée de les couvrir et qui, à son tour, essuyait directement le feu du donjon.

C’est qu’en effet, Rouletabille, voyant le fossé déblayé, avait crié à sa petite garnison :

« Aux meurtrières !… »

Et tous étaient descendus à leur poste, courant de meurtrière en meurtrière, faisant feu à chaque étage, donnant l’illusion d’une troupe ardente et décidée à défendre chèrement sa vie.