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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/157

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LES DERNIÈRES CARTOUCHES

— Non ! Non ! fit-elle, en secouant la tête avec énergie, l’odeur de la poudre est nourrissante !… mais c’est pour vous que je suis inquiète… Alors nous n’avons vraiment plus rien !… pas un morceau de pain ?…

— Il nous restait tout à l’heure deux morceaux de pain d’épice, dit Rouletabille, et je les ai jetés moi-même à ces misérables pour leur prouver que nous ne craignons point la famine !… N’est-ce pas, Vladimir ?…

— Oui, monsieur, oui, vous avez été bien héroïque !…

— À quoi réfléchit Modeste ? fit Rouletabille. Vous m’avez l’air bien préoccupé, mon garçon !

— Il a l’air, comme ça, mais il dort !… fit Vladimir.

— Non, monsieur ! répliqua Modeste. Je ne dors pas. Je pense.

— À quoi penses-tu ?

— Je pense que je voudrais bien vous faire un autre potage que celui que je viens de servir à ces messieurs…

— Voilà une fameuse idée !… acquiesça Rouletabille en soupirant. Mais avec quoi pourrais-tu nous faire un potage, puisque nous n’avons plus rien ?…

— Oh ! vous savez, il faut quelquefois peu de chose !… J’ai vu faire des potages avec deux sous de n’importe quoi, des comprimés de rien du tout, qui n’avaient jamais rien contenu d’alimentaire, ce qui prouve bien, messieurs, qu’il n’est point nécessaire, pour faire un potage, d’avoir des aliments !…

— Oui, mais cela ne nourrit point, dit Vladimir avec dédain !

— Vous êtes bon ! fit Rouletabille… on voit bien que vous venez de manger du pain d’épice, vous !… Si ce potage dont parle Modeste ne nourrit point, au moins il trompe la faim !… Eh bien, Modeste ?…

— Je cherche, monsieur, je cherche !… D’abord, je dois vous dire que nous ne sommes pas si à bout de ressources que cela… Ainsi, il nous reste du sel !

— Ah ! ah ! du sel !…

— Et du poivre !…