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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/167

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LES DERNIÈRES CARTOUCHES

que pour une nuit et qu’on ne disposait plus d’aucune autre sorte de luminaire. Il restait bien encore un bidon de pétrole, mais le reporter jugeait, cette réserve trop précieuse pour ne point la garder jusqu’à la dernière extrémité.

Le commencement de cette nuit-là, qui était celle du 18 au 19 octobre, se passa d’une façon étrangement calme.

On n’entendait aucun bruit dans le château, pas même le pas d’un soldat, pas l’appel d’une sentinelle.

Un si beau silence ne disait rien de bon à Rouletabille, qui ordonna à tout son monde de se tenir éveillé. Sans doute l’ennemi voulait-il donner à l’assiégé une fausse quiétude et le surprendre dans son sommeil, ou tout au moins dans son assoupissement.

C’était d’autant plus probable que, tout l’après-midi, Rouletabille, tout en surveillant les travaux du donjon, l’avait entendu travailler dans la bâille, à l’abri de la « chemise ». À quoi ? Voilà ce qu’il était impossible de deviner. Mais les coups de marteau n’avaient guère cessé qu’au crépuscule. Quelle machine de guerre fabriquaient-ils encore pour venir à bout de cette poterne devant laquelle ils avaient déjà perdu tant de monde ?

Voilà à quoi Rouletabille songeait, du haut de son donjon, en considérant la lueur qui ne lui révélait, dans cette nuit opaque, qu’une bien faible partie du mystère des ténèbres.

Par extraordinaire, il ne pleuvait pas. Le ciel même finit par se dégager de ses lourds nuages et, vers minuit, la lune se leva. Aussitôt le reporter fit éteindre les feux, en bas. Et désormais tout sembla dormir.

Deux heures passèrent encore dans cette paix absolue… Pour ne point céder au sommeil, Rouletabille marcha un peu sur sa terrasse. Près de là, dans l’échauguette, Tondor, sachant Rouletabille là, s’était mis à ronfler.

Le reporter regarda longuement les monts lointains de la frontière dont les cimes se dégageaient toutes bleues dans la clarté lunaire. Le secours viendrait-il de là ? Et