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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/44

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LE CHÂTEAU NOIR

Kara Selim, qui connaissait le visage d’Ivana, ne fit point tant de manières ; il s’approcha d’elle, comme nous avons dit, assez galamment, s’assit à ses côtés et la pria d’enlever son voile en lui présentant aussitôt son yuz-gurumluk qui était, en la circonstance, deux solitaires de grande beauté.

Ivana, d’un geste décidé, enleva son voile et montra un visage de cire.

En voyant le présent, elle ne put s’empêcher de tressaillir.

« Pourquoi, lui demanda-t-elle d’une voix étouffée, pourquoi ne me donnez-vous pas l’épingle d’usage ?

— Parce que, répondit Kara Selim, avec cet affreux sourire qui ne le quittait guère, parce qu’une épingle, ça pique ! »

Si Ivana, qui était absolument sans armes, avait compté sur cette épingle-là pour se défendre, elle devait en faire son deuil. Cette fois, elle était bien à la merci de Gaulow. Ne l’avait-elle pas voulu ?…

Et le coffret n’était pas là !…

Non !… elle ne le voyait pas !… Ses yeux, qui faisaient le tour de la pièce, ne découvraient point l’objet d’un si grand sacrifice ; le meuble fatal pour la possession duquel elle avait consenti à devenir l’esclave de cet homme… n’était pas dans la chambre…

Quant à Kara Selim, il semblait complètement avoir oublié sa promesse.

Il dévisageait la jeune femme et la couvrait d’un regard si brûlant que celle-ci, effrayée, se recula et lui retira ses mains qu’il voulait déjà retenir prisonnières.

« Eh quoi, Ivana ?… N’êtes-vous point ma femme ? fit-il en fronçant les sourcils… Et n’avez-vous point consenti à mon bonheur ?… Pourquoi vous éloignez-vous de moi ?… Est-ce que je vous fais peur ?… Prenez garde ! ajouta-t-il, en se reprenant à sourire de sa façon féroce, je pourrais croire que vous ne m’aimez pas !… Et je ne m’en consolerais jamais, ricana-t-il. Allons, Ivana,