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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/49

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NUIT D’AMOUR ! Ô NUIT D’AMOUR !

ne serait pas drôle ! (Ivana pleure, en effet, par hoquets nerveux, parce que Rouletabille n’arrive pas ! et parce que cet effroyable sacrifice d’elle-même ne servira de rien)… Remets-toi un peu, Ivana !… Je te donne cinq minutes de repos ! Moi aussi, j’ai besoin de souffler… On s’est bien battu !… Mais comme on s’aimera !… Ah ! tu me hais bien ! Tu n’as… oublié que j’ai tué ton père… et ta mère !… Ah ! ah ! tu ne pleures plus !… À la bonne heure !… Je craignais que tu ne redevinsses une pauvre petite femmelette… oui, j’ai tué ta mère… Un grand coup de sabre !… Ah ! ah ! cela te remet d’aplomb !… Mais, attends donc, petite louve chérie !… (Ivana a fait un mouvement pour se jeter sur Kara Selim)… C’est toi qui recommences maintenant !… Là, tiens-toi tranquille… quand on recommencera, je dirai : « time ! » comme dans les matches de boxe à Stamboul !…

« Elle était bien belle, ta mère, Ivana ! Et quel cri elle a jeté quand je lui ai passé mon grand sabre à travers son beau corps ! Allons ! allons ! tu vas encore te trouver mal !… Tu verras, tu verras que tout cela se terminera plus tôt qu’on ne croit par des baisers !… Nous sommes d’une race où, s’il fallait continuer à se détester de génération en génération nous serions tous morts depuis longtemps ! Nos pères se sont tant tués les uns les autres que les fils ne trouveraient plus de filles à épouser s’il fallait en chercher dans les familles amies… Il n’y a de familles amies que parce qu’elles se sont pardonné, Ivana !… Moi, au fond, j’ai l’air méchant comme ça… mais je suis pour le pardon des offenses !… Comme je te le dis, Ivana, comme je te le dis !…

« Ainsi j’ai pardonné à ton père d’avoir tué le mien !… Tu peux bien me pardonner à moi, je ne dis pas tout de suite, mais dans une heure ou deux, par exemple, d’avoir tué le tien et aussi ta mère par-dessus le marché. Je ne parle pas de ton oncle, qui ne compte pas !…

« Sais-tu pourquoi j’ai tué ton oncle, Ivana ? Ça n’est pas par esprit de vengeance, ma foi non !… C’est parce