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Page:Leroux - Le Château noir, 1933, Partie 2.djvu/51

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NUIT D’AMOUR ! Ô NUIT D’AMOUR !

Mais un jour, à l’état-major, mon espion, caché derrière une porte, a entendu un coin de conversation entre le général Vilitchkov et l’autre général-major Radchich, et Vilitchkov disait à Radchich :

« — S’il m’arrivait un accident la nuit, il faut que vous sachiez où retrouver nos plans ; je vais vous dire où je les cache. Vous serez seul à le savoir. »

« Tu penses, tu penses, si mon diable d’espion écoutait, Ivana ! Mais il n’entendit qu’une chose, c’est qu’il s’agissait d’une peinture représentant une Sophie à la cataracte ! Eh bien, Ivana, eh bien, si je suis venu si subitement à Sofia, malgré les dangers d’une pareille expédition, c’était pour retrouver les plans derrière cette peinture-là !


« La vie du général Vilitchkov ! Ah ! je m’en moquais un peu ! Et, s’il avait voulu, je te répète, il l’aurait gardée. Mais on l’a lardé de coups de couteau sans qu’il ait seulement rien dit ! C’est un héros ! J’ai envoyé celui-là au diable : c’est bien sa faute ! Tiens, mon cou qui resaigne ! Ah ! tu m’as bien mordu, petite louve de mon cœur ! Sans compter le souvenir de tes chères petites quenottes sur mon pouce ! Mais attends un peu, va, on finira bien par s’entendre ! »

Il était retourné à une glace et se démaillotait le cou, pour examiner encore cette gênante blessure, qui ne voulait point cesser de saigner !

Pendant ce temps, Ivana renaissait à un prodigieux espoir. Elle avait écouté le bavardage cynique de son affreux et terrible et très bel époux, avec une angoisse qui grandissait avec cet espoir-là ; Gaulow, qui croyait les plans derrière un tableau, ne les avait certainement pas cherchés dans le coffret. Et si, par hasard, il n’avait point aperçu la sainte Sophie, sous le coffret, les documents devaient toujours être à leur place ! Mais pourquoi ne lui avait-il pas donné alors le coffret promis ? Pourquoi ?… Elle n’osait le lui demander.

Il venait de lui parler des plans qu’il avait cherchés :