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Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/110

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— Si on m’arrêtait, monsieur le procureur, je crois qu’on le regretterait… Il me reste encore bien des choses à vous dire…

— Oh ! je suis patient !… constata Sinnamari… je suis très patient !… Asseyez-vous donc, mon cher monsieur Dixmer, et dites-moi ce que vous diriez à M. Jonard, s’il prenait fantaisie à cet excellent M. Jonard de vous interroger…

— Je lui dirais que je voyais Lamblin presque tous les jours… Or, l’avant-veille de sa mort, Lamblin me dit, en me remettant les deux paquets que voici sous enveloppes scellées, qu’il courait les plus grands dangers… qu’un haut personnage lui en voulait à mort… et qu’il craignait qu’il lui arrivât malheur à lui, ainsi qu’à un ami qu’il avait à l’Assistance publique. Si un tel événement survenait, il me laissait entre les mains de quoi le venger, lui, et du même coup, son ami, que je ne connaissais pas… J’ai cru qu’il avait la cervelle un peu détraquée, et il vit bien que je ne le prenais pas au sérieux ; alors il voulut bien me répéter, par écrit, ce qu’il venait de me dire…

— Par écrit ! fit Sinnamari. Voyez-vous cela !… De telle sorte, monsieur Dixmer, que vous avez cet écrit-là… et que, par ma foi, vous en voilà tout fier. Y est-il dit expressément que j’ai promis à Lamblin de l’assassiner ?…

— Plus bas, monsieur le procureur… on pourrait nous entendre… fit Dixmer en jetant un regard du côté des portes…

— Et vous tenez à ce qu’on ne vous entende point, monsieur Dixmer ? Ce sont là des habitudes de basse police… Que me fait, à moi, votre papier ? Il est tel qu’eût pu l’écrire un homme qui se prépare à jouer une partie de chantage qu’il croit redoutable…

— Le surlendemain, Lamblin était mort. En arrivant à la Préfecture, j’appris qu’on venait de le trouver assassiné dans votre cabinet. En même temps, j’apprenais qu’un homme nommé Didier, secrétaire de M. Eustache Grimm, de l’Assistance publique, venait d’être trouvé, chez lui, suicidé. J’avais les deux paquets… et je compris…

— Vous avez compris que votre ami Lamblin était une crapule, qu’il avait voulu me faire chanter comme il a voulu faire chanter Desjardies ! Mais, pauvre cher monsieur Dixmer, sachez donc que le juge d’instruction les attend, ces lettres, que je les lui ai annoncées, que je me suis empressé, dès le début de l’affaire Desjardies, de lui dire ce que je pensais de Lamblin, et comment il avait voulu me faire chanter, moi ! Oui, moi ! Le procureur impérial ! Et pourquoi, mon Dieu ? Pour les démarches et recommandations les plus innocentes du monde ! Et ainsi s’éclairait le drame Desjardies… Lamblin avait l’habitude du chantage, il avait le chantage dans le sang !… Il a voulu tenter avec Desjardies le coup qu’il n’avait pas réussi avec moi… Seulement, si moi, je me moquais des papiers dont me menaçait Lamblin, malheureuses lettres