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Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/123

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— Le pape fut aussi son prisonnier pendant quarante-huit heures… Je crois bien, du reste, que ce fut là le début de la fortune du roi des Catacombes…

Le comte avait fait monter Philibert Wat dans sa voiture.

— Puisque vous êtes un ami de Mlle Marcelle Férand, dit-il, vous allez me rendre le service de me la présenter…

— Mais comment donc !… J’allais vous le proposer…

La voiture s’ébranlait sur le gravier de la grande allée du jardin. Le comte ferma l’une des glaces, qui était restée ouverte, et se jeta dans l’un des coins du coupé.

— Quand je dis que ce fut là le début de sa fortune, je veux dire de sa renommée, de sa situation de bandit, de grand bandit romain. Car R. C., comme on l’appelait déjà là-bas, dans la campagne romaine, était trop gentilhomme pour ne point se contenter de la gloire d’un coup pareil : prendre le pape !… Le pape, pour sortir du repaire de R. C., paya une rançon de trois millions. Deux heures après sa rentrée au Vatican, qui fut du reste aussi mystérieuse que sa sortie forcée, les trois millions lui étaient rendus « pour ses pauvres ».

Philibert Wat avait bien entendu parler des fantastiques histoires des bandits romains, mais il trouvait celle-là d’une force ou d’une exagération… Cependant, quel intérêt le comte eût-il eu à se moquer de lui ? Il racontait toutes ces choses sur un ton si naturel…

— Tout de même, fit Wat, s’il avait enlevé le pape, on l’aurait su…

— On ne l’a pas su, monsieur… Le roi des Catacombes est discret…

— Et comment, si on ne l’a pas su et s’il n’a conservé de l’aventure aucun profit pécuniaire, ce « coup » a-t-il pu être le début de la fortune de « votre » roi ?

— Oh ! on ne l’a pas su dans le public !… Mais tous les chefs de bandes, des Calabres à l’Émilie, l’ont connu… Et de ce jour ils ont reconnu R. C., pour leur chef.

— Et qu’a fait R. C. ?

— R. C., trouvant que l’Italie est trop pauvre pour ses talents, est venu s’installer en France.

— Comment n’en a-t-on pas entendu parler que ces jours-ci ?

— C’est qu’il concevait une affaire qui demandait quelques années à être sérieusement montée.

— Et vous, mon cher comte, peut-on vous demander combien vous avez payé ce « brave » pour reconquérir votre liberté ?…

— Mais, mon cher monsieur Wat, il n’y a là aucune indiscrétion… Cela m’a coûté cinq millions.

— Cinq millions !… qu’il ne vous a pas rendus… Et vous appelez cela vous rendre service !…

— Je vous ai dit qu’il m’avait fait connaître le pape…