Aller au contenu

Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Enfin, ce jour de dimanche étant venu, comme le Professeur était descendu place Clichy « prendre un petit quelque chose », il avait été rejoint, au moment où il remontait la rue des Moulins, par Robert Pascal qui, après l’avoir chaleureusement remercié de ses bons et loyaux services, l’avait mis en garde plus que jamais contre les aventures de la route.

Le Professeur et Robert Pascal étaient arrivés au coin de la rue des Moulins et de la rue Tholozé. Le Professeur tenait le petit sifflet, le regardait, et ne se décidait point à siffler.

— Mais sifflez donc, tête de mulet, reprit Robert Pascal.

Le Professeur leva les yeux au ciel, attestant les dieux de la folie de son ami.

Et il siffla. Le sifflet rendit un son strident, très particulier, très puissant et très aigu.

Mais comme la rue, qui était déserte avant qu’il ne sifflât, restait encore déserte après qu’il eut sifflé, le Professeur éclata de rire.

— Où donc est le secours ? Où donc est le refuge ? s’écriait-il, joyeux.

Alors, Robert Pascal lui montra sur le seuil de tous les immeubles, à partir de la Grande Hostellerie de la Mappemonde jusqu’au plus loin que le regard pouvait s’étendre, les concierges debout et attentifs.

Le Professeur fut évidemment très étonné d’apercevoir en quelque façon au port d’armes, tant de concierges à la fois, qu’il n’avait pas vus dès l’abord, parce que ceux-ci n’avaient point franchi le seuil de leurs demeures.

— Encore un coup de sifflet, fit Robert Pascal, et toutes ces bonnes gens vont se précipiter vers nous, nous apportant secours et refuge, le secours de leurs bras et le refuge de leurs loges.

— Diable ! s’étonna le Professeur. Voici qui est tout à fait bien trouvé et fort ingénieux !

— Le mérite n’en revient point à mon ami le roi des Catacombes, reprit Robert Pascal, mais à la police russe elle-même, qui a inventé ce moyen de se faire aider dans quelque circonstance qu’elle se trouve et à quelque heure que ce soit. C’est une institution — celle des concierges policiers — au-dessus de tout éloge, car elle permet au pouvoir d’avoir toujours à sa disposition, sans que la tranquillité de la rue en soit troublée, une véritable armée de secours. Mon ami Mystère s’est créé, d’après ce modèle, quelques bataillons de chevaliers du cordon, qui, sur certains points de la capitale qui l’intéressent particulièrement, sont toujours prêts à obéir au coup de sifflet de ses agents et à se jeter sur ses ennemis.

Les concierges, voyant qu’on ne sifflait plus, étaient rentrés dans leurs loges.

— C’est à peine si j’en crois le témoignage de mes yeux, fit le