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Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/16

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jolie ; la peau ambrée, de grands yeux noirs, une petite bouche, mais le cou un peu épais ; quelques beaux bijoux. Toilette de voile noir garni de perles, de jais, de paillettes, très tintinnabulante au moindre mouvement. Elle fumait une cigarette d’Orient.

— Madame pourrait peut-être nous renseigner ?

— Sur quoi, monsieur ?

— Mais sur tout… nous ne savons rien…

— Je n’en sais pas plus long que vous, monsieur…

— Serait-il indiscret, madame, de vous demander à qui nous avons l’honneur de parler, car mes amis, pas plus que moi…

— Monsieur, c’est moi qui suis la Mouna ! fit-elle d’un air brusque et entendu, comme si elle n’avait plus rien à ajouter et comme si ces dernières paroles devaient renseigner le genre humain sur sa personnalité.

Tous se mirent à rire pendant que la Mouna les regardait avec étonnement. Et elle raconta comment elle était venue à ce singulier rendez-vous.

— Voilà, disait-elle, c’est bien simple. Je sortais de souper d’un cabaret du boulevard Montmartre dans la nuit d’hier ; j’étais seule, ayant vainement attendu un ami qui m’avait pourtant donné rendez-vous dans cet endroit. Je cherchais ma voiture, que je ne retrouvais plus à la porte du cabaret. Tout à coup, un homme, sortant de je ne sais où, s’est avancé, et, mettant le chapeau à la main, m’a poliment prié de lui permettre de m’offrir son bras. Puis en guise de présentation, l’homme dit un mot… Oh ! pas long… Était-ce un mot ? C’étaient plutôt deux lettres, R. C…

— Ah ! il a dit : R. C. ? demanda Marcelle Férand.

— Oui…

— Très intéressant ! fit la tragédienne. Alors ?…

— Il m’a accompagnée jusqu’à la porte de mon hôtel, rue Taibout… il n’a pas voulu entrer… il m’a seulement donné rendez-vous ici pour cette nuit… J’ai accepté son rendez-vous où je ne croyais pas que nous serions si nombreux. Je lui ai dit que je m’appelais la Mouna et il me dit qu’il s’appelait, lui, vous ne savez pas comment ?… Mystère !

Elle n’avait pas plutôt prononcé ce mot : Mystère que des exclamations partaient des quatre coins du salon :

— Le roi Mystère ! le roi Mystère !…

— Qu’est-ce que je t’avais dit, Raoul ? s’écriait Marcelle Férand. Tu vois bien qu’il existe ! Tu vois bien que c’était lui ! Parbleu ! Il n’y a que lui pour avoir des cartes de visite pareilles !

— Il devrait signer ses cartes R. M., répliqua Gosselin en riant. Pourquoi portent-elles R. C. ?

Et il exhiba, en effet, une carte de visite où étaient inscrites ces deux initiales au-dessus d’une tête de mort sur tibias.