Aller au contenu

Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Justement… vous devez y aller… Eh bien ! moi, je veux être sûre que vous irez… Vous comprenez si je tiens à votre opinion, mon ami, celle des autres ne compte pas. Vous me direz si j’ai du talent… Alors, c’est entendu ?

— Entendu !

— Quoi qu’il arrive ?

— Quoi qu’il arrive !…

Les deux pseudo-amants furent interrompus par l’arrivée de Mlle Nichette, qui tenait une lettre à la main.

— Le domestique de monsieur, dit-elle, vient d’apporter une lettre.

— C’est bien ! fit Sinnamari d’un geste qui chassait Mlle Nichette.

Sinnamari ouvrit la lettre et lut, après en avoir demandé la permission à la jeune femme.

— Diable ! dit-il, le front soucieux… Voilà qui change un peu nos projets…

— Lesquels ?

— Mais nos projets pour la soirée du comte. C’est le comte qui m’écrit. Il me rappelle son invitation, et il ajoute : « Surtout ne manquez pas. Le roi des Catacombes m’a promis de venir… »

— Eh bien ! en quoi cela peut-il ?… Au contraire ! Moi je serais enchanté de le voir, ce roi des Catacombes, dont on parle tant !

— C’est que je vais justement vous demander de ne pas aller ce soir-là chez le comte.

— Pourquoi ?

— Parce qu’il y aura du danger à s’y trouver.

— Le danger ne m’effraye pas… Quel danger ?

— Ma chère amie, je vais faire, ce soir-là, arrêter chez le comte le roi des Catacombes, et vous comprendrez qu’il y a bien des chances pour que le dessert soit un peu troublé.

Dans le moment, Liliane fit un geste pour déposer la lime à ongles, et elle dut se pencher un peu, de telle sorte que son bras et son sein sortirent des fanfreluches du peignoir, découvrant leurs formes parfaites, dignes de tous les hommages. Il en tremblait de les voir, et, vainement, sa voix voulait ordonner : « Vous n’irez pas, Liliane, chez le comte, vous n’irez pas ! », le sein et le bras attardés encore au même geste voulaient y aller, eux. Ils disaient si bien en même temps que Liliane : « Nous irons, nous irons ! » que Sinnamari sentait sa force de contradiction lui échapper. Cependant, il voulut tenter un dernier effort et, détournant les yeux de ce spectacle trop attrayant :

— Liliane, dit-il, songez que cette fête pourra se terminer d’une façon terrible. Ce triste sire viendra certainement, il est d’une audace que rien n’arrête, accompagné de quelques-uns de ses sujets et toutes précautions prises ; de mon côté, j’aurai pris les miennes.

— Oh, mais ce sera tout à fait intéressant !