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Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/22

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— Oui, il est même mort plusieurs fois depuis. Il prétend qu’il a trouvé le secret de ressusciter… Vous voyez bien… c’est le contraire de ce qui arrivait à Cagliostro qui, lui, ne pouvait pas mourir… Mon sorcier à moi meurt tout le temps…

À ce moment, une porte s’ouvrit avec fracas et deux laquais poussèrent devant eux un homme qui avait les yeux masqués par un bandeau et la bouche obstruée par un bâillon. Il essayait en vain de se débattre entre les mains qui, respectueusement mais solidement, le maintenaient. Le valet de pied qui avait déjà offert ses services au procureur entra par une autre porte et fit un signe. Les laquais délivrèrent l’homme, qui poussa un cri.

V

LE SERVICE DU ROI

— Régine ! s’écrièrent en même temps Sinnamari, Gosselin et Eustache Grimm, cependant que Philibert Wat faisait entendre un grognement au fond de sa belle barbe d’or ouverte en éventail sur sa poitrine trop plate.

Régine, aussitôt délivré de son bâillon et de son bandeau, avait voulu se ruer sur les deux laquais qui l’avaient « accompagné », mais ceux-ci avaient disparu. Retourné maintenant du côté de ses amis, Régine, suffoqué, finit par dire :

— Comment êtes-vous là ?… Je me croyais victime d’un guet-apens !

— Qui vous dit, fit Sinnamari en s’avançant, qui vous dit que ce n’est pas un guet-apens ?… Nous n’en savons rien !…

L’entrée un peu brutale de Régine avait naturellement fort intrigué ces dames. Elles demandèrent des explications. La vue de ses amis n’avait pas tout à fait calmé la colère du chef de cabinet du ministre de la guerre, et c’est d’une voix méchante qu’il leur raconta sa mésaventure.

Voici, pour lui, comment les choses s’étaient passées : Il était au Théâtre-Français avec sa femme et, durant un entracte, il était allé se promener seul dans le foyer, quand il fut abordé par un homme en habit, insignifiant, très correct, qui lui demanda s’il se souvenait de lui. Cet homme prétendait lui avoir été présenté autrefois par un camarade commun, le colonel Marage. Or, Marage était de retour d’Algérie, de passage à Paris pour vingt-quatre heures, et devait souper justement ce soir-là avec l’inconnu qui se présenta alors comme étant un capitaine Finot. Le souper devait avoir lieu après la sortie du théâtre, à côté même du Théâtre-Français, au Bœuf à l’Anglaise. Marage serait dans une grande joie de revoir son vieux camarade de Saint-Cyr. Car Régine