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Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/225

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M. Macallan. Elle est maintenant au pouvoir d’un nouveau maître qui semble au moins aussi jaloux que Master Bob.

— Comment s’appelle-t-il ?

M. Costa-Rica.

— Connais pas !

— J’aurai l’honneur de vous le présenter.

C’est alors que Master Bob entra et, comme il était suivi de la Mouna, des chants d’allégresse firent trembler les poutres des Trois-Pintes. La Mouna embrassa le Professeur, serra la main à tous ces messieurs, et s’intéressa aussitôt à la partie de dames que le Professeur avait interrompue. En vain celui-ci voulut-il s’extasier plus longtemps sur la toilette magnifique de la jeune personne et ses bijoux somptueux, la Mouna le ramena à son jeu, disant qu’elle s’intéressait beaucoup à la partie, et que le jeu de dames, que l’on joue beaucoup dans les harems de Tunisie, lui rappelait toute sa jeunesse.

La tablette à casiers sur laquelle le Professeur et le poète Sésostris débattaient la partie, était moins couverte de jetons que des plus disparates objets destinés à les remplacer. Les jetons naturellement avaient été perdus depuis longtemps. On voyait là des morceaux de sucre, un dé à coudre, des allumettes. Une dame était représentée par un sifflet.

— Chez nous, en Tunisie, nous jouons aux dames, dit la Mouna, avec des crottes de chameau !

XIX

LA MOUNA

La Mouna était un petit être charmant, peu compliqué, instinctif toujours, instrument docile dans les mains de celui qui la tenait, ne connaissant et ne pouvant connaître de l’amour que le désir qu’il inspire ou la terreur qu’il apporte. Elle avait désiré et redouté Master Bob, et, maintenant que ce désir était allé à son second amant, Costa-Rica, elle gardait encore de ses aventures précédentes la peur de cet être mystérieux qui n’avait pas cessé de la dominer, de cet hercule à profil de vautour qui l’avait aimée, lui aussi, jusqu’au crime, et puis, un beau jour, l’avait en quelque sorte donnée à Costa-Rica, à ce Costa-Rica qui s’était révélé tout de suite un maître aussi jaloux, aussi tyrannique que Master Bob, aussi… sanglant… puisqu’il avait tué ce Didier qu’elle connaissait à peine et à qui elle n’avait jamais parlé !

Elle avait fui l’Orient et l’austère devoir des houris et les tragédies de la jalousie mahométane après avoir lu un bouquin où il était parlé des joies futiles, nombreuses et passagères de Paris en général et de