Aller au contenu

Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/293

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le Professeur ouvrait de grands yeux, mais Cassecou en ouvrait de plus grands que lui encore et le Professeur s’en étonna.

— Il n’y a que moi, fit R. C., qui sait que cette pièce existe et où elle existe. C’est la Rotonde du roi ; personne ne peut venir nous y chercher, et si je mourais tout à coup ici, je vous défie d’en pouvoir sortir !…

— C’est gai ! fit le Professeur.

Comme il levait les yeux au plafond, il fut étonné de voir qu’une légère galerie, une sorte de balcon faisait le tour de la pièce, tout en haut. On accédait à cette galerie par un petit escalier de fer. À quoi servait cette galerie ? Voilà ce qu’on n’eût pu dire.

R. C. montra l’escalier au Professeur et à Cassecou et leur dit :

— Montez !…

Ils montèrent tous trois. Le Professeur comprenait de moins en moins. Soudain R. C. ayant éteint sa lampe, un carré de la muraille qui se trouvait en face d’eux, à hauteur de leurs yeux, se déplaça ; une pierre tourna sur elle-même. Tout au fond de la cavité il y avait un mince tissu de fer, une sorte de voile transparent de métal qui leur permettait de voir tout ce qui se trouvait au-delà de ce voile et qui était éclairé, cependant qu’eux-mêmes, plongés dans l’obscurité, restaient invisibles.

Le Professeur regarda et, s’il faut en croire ce qu’il raconta souvent depuis, voici ce qu’il vit, et il n’y a aucune raison pour que le Professeur n’ait point vu ces choses.

Il crut avoir en face de lui les bureaux d’une banque ou de quelque administration d’État. Il y avait là des employés, caissiers, garçons de bureau, comptables, qui écrivaient, étudiaient des dossiers, alignaient des chiffres, grattaient du papier, comptaient des liasses de billets de banque, empilaient de l’or… Là le travail était ardent, fiévreux. Les employés ne se livraient à aucun inutile bavardage et le seul bruit qui montait de cette salle, dont on n’apercevait du reste qu’un coin, était le bruit de l’or, le tintinnabulement des pièces de monnaie.

— Banque et contentieux. Ce sont nos bureaux, cher Professeur. C’est ce que nous appelons la « Section des faussaires »…

— Comment ? La section des faussaires ?… Vous prenez les faussaires pour faire vos comptes et garder vos caisses ! souffla le Professeur, dont le cerveau menaçait d’éclater… Quelle histoire ! Pour sûr, j’en deviendrai fou !… Je crois que vous me conduisez dans un antre où nous allons trouver enchaînée cette pauvre Mlle Desjardies, et, après être descendus à plus de cent mètres sous terre…

— Cent cinquante !…

— Cent cinquante… Je tombe à minuit dans une espèce d’étude de notaire qui est à la fois une banque et où tous les employés sont des faussaires.