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Page:Leroux - Le Roi Mystère.djvu/61

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À ce moment, il sembla à Patte d’Oie que la large poitrine du Vautour se soulevait, comme si on l’eût soulagée d’un poids énorme. Mais le Vautour, maintenant, regardait le bourreau, qui s’était arrêté dans sa marche-promenade. Celui-ci tournait le dos au Vautour et à Patte d’Oie. Ils se consultèrent du regard, et il n’était point difficile de deviner ce que ce regard signifiait. S’ils étaient restés seuls avec le bourreau, ils n’auraient pas hésité à sauter dessus. Mais il y avait encore le gardien dans le guichet… Ils l’entendaient remuer ses clefs. D’un geste, le Vautour fit comprendre à Patte d’Oie qu’il fallait être prudent. Et il haussa la tête, traduisant ainsi l’embarras dans lequel Hendrick le mettait en restant dans l’arrière-greffe avec eux.

C’est que le bourreau allait presque toujours avec les magistrats au-devant du condamné, se tenant sur le seuil de la cellule pendant que le directeur de la prison entrait avec le juge d’instruction. Pourquoi n’agissait-il point ainsi aujourd’hui ?

Certes, armés comme ils l’étaient, le Vautour et Patte d’Oie pouvaient tout réussir contre le bourreau et le gardien, surpris d’une pareille attaque. Mais il fallait agir en silence, et ne point compromettre par un scandale inutile une affaire dans laquelle il serait toujours temps d’employer la force ! S’ils employaient la force dans l’intérieur de la prison, cela n’irait point sans éclat, et l’intervention des soldats du poste aurait vite fait de réduire leur tentative à néant.

Le Vautour avait déposé son pardessus sur le banc. Hendrick, fatigué d’être debout, sans doute, était allé au bout du banc et, pour s’asseoir, avait repoussé le pardessus de la main. Quand il vit la main de Hendrick sur son pardessus, le Vautour pâlit.

Transportons-nous maintenant dans la cellule de Desjardies. Nous l’avions laissé, la veille de cette nuit dont nous retraçons les événements si bizarres, sous le coup de l’espérance que lui apportait l’inscription mystérieuse trouvée au dos de la photographie de sa fille. Était-ce bien l’espérance qui le tenait ainsi, anéanti sur cette couchette où il passait, immobile, presque tout le temps qu’on lui laissait à vivre ? N’y avait-il pas surtout de la surprise et de l’effroi dans le sentiment qui l’arrachait un instant à la vision hallucinante du dernier supplice ?

Oui, le premier mouvement de son cœur avait été de s’accrocher à cette folle promesse mystérieuse qui lui arrivait si étrangement au fond de sa prison. Mais, à la réflexion, il avait mesuré toute l’impossibilité d’une tentative quelconque…

À cette heure de la mort où l’on est disposé à croire à tout ce qui peut vous rattacher à la vie, Desjardies se dit : « N’y croyons pas !… Ne croyons plus à rien, qu’à la mort ! » Et il pria… Il pria comme lorsqu’il était enfant… Il pria pour sa fille.

Desjardies était resté religieux, sinon pratiquant, et, depuis qu’il