Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/10

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prou de coquetterie pour ses maîtresses. En tout cas, s’il n’était point raffiné de la bagatelle, il paraissait fort porté sur sa bouche, car au rayon d’alimentation, que l’on avait inauguré au commencement de la saison, on ne comptait plus les boîtes de conserves qui avaient disparu comme par enchantement.

Les demoiselles de la passementerie gémissaient qu’elles ne trouvaient plus leurs « références » (échantillonnage). Enfin, ce même jour, on constata l’absence de deux pyjamas, d’un lot de serviettes éponge et, au rayon de la parfumerie, de plusieurs flacons d’eau de Cologne à 80 degrés et d’un vaporisateur. Hardigras devenait homme du monde !

Partout, pour que les soupçons ne s’égarassent point, il laissait ses cartes… de haut luxe, provenant naturellement du rayon de la papeterie, sur lesquelles, avec son stylo, il avait tracé, en formidables majuscules, ce nom extraordinaire : Hardigras, qui avait une couleur si savoureuse dans cette grande cité du Midi, illustrée par son carnaval.

Et impossible de mettre la main dessus !…

Sa première manifestation avait témoigné qu’il ne dédaignait pas d’élire domicile dans la maison et d’y goûter un repos parfait.

Un jour on avait découvert qu’il avait fait sienne, au rayon de l’ameublement, une chambre complète.

Sans doute n’avait-il pu résister à la tentation : un beau lit Louis XVI, canné, tout « dressé » avec des draps fins, des taies d’oreiller ornées de dentelles ! L’administration avait poussé la prévenance jusqu’à allumer sur la table de nuit une délicieuse veilleuse dont l’am-