Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/109

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que de se rompre le cou dans un dessein que nous avons certainement deviné.

Ne nous attendons point à ce qu’elle appelle au secours !…

C’est, au contraire, en faisant le moins de bruit possible, qu’elle rentre dans sa chambre, éteint l’électricité et revient tout doucement à sa fenêtre !…

Ô Roméo ! Le balcon de Juliette t’attend ! Mais quand, dans les nuits de Vérone, les doux enfants divins se rejoignaient dans l’angoisse d’être surpris par des parents ennemis, ils savaient qu’ils s’aimaient et ils risquaient tout pour un baiser !…

Mais, toi, pauvre Titin, tu joues ta vie pour apprendre de la bouche de Toinetta qu’elle vient joyeusement de se fiancer à un homme que tu détestes à en mourir.

Et ta Toinetta sait-elle que tu l’aimes ? Connaissait-elle ton secret avant toi ?… Avait-elle deviné ton cœur avant qu’il ait souffert ?… Non, n’est-ce pas ?… Il y a trop grand abîme entre Titin-le-Bastardon et Mlle Agagnosc, si grand que ni elle, ni toi n’avez jamais pensé d’en côtoyer les bords !… C’est ce qui vous faisait si loyaux et si heureux, dans vos rencontres, ignorants du danger.

Et maintenant que tu le connais, il t’épouvante ! mais tu viens quand même, Titin !…

Tu sais pourtant bien que tu n’as rien à lui dire !…

Mais tu veux l’entendre !…

Dans cette nuit de Nice, aussi belle que toutes les nuits d’amour en Italie, Titin, par un demi-miracle, s’est glissé en tremblant jusqu’à cette rampe fragile où s’appuie Toinetta.