Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/227

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de Titin qu’il ne s’y serait pas pris autrement. Babazouk méritait les cornes.

« Il les aura ! » grognait Nathalie entre ses quenottes qui avaient envie de mordre ce « taballori » (cet idiot ! ce bouché) !

Titin semblait ne plus douter de rien. Il prononçait en dernier ressort dans les querelles qui divisaient ses amis et il n’admettait point que l’on discutât sa sentence, dictée au reste par un naturel esprit de justice. Il en résultait que les conflits les plus aigus se résolvaient à l’amiable autour des piots et des fiasques qu’il faisait servir pour fêter les amitiés nouvelles.

Une si aimable façon de rendre la justice (saint Louis la rendait sous un chêne, Titin la rendait à table) eut le succès qu’elle méritait. Dans les petits pays autour de la Fourca et même dans les gros bourgs par delà les Gorges du Loup le bruit se répandait qu’il y avait à la Fourca un juge qui avait une merveilleuse recette pour mettre tout le monde d’accord sans procès, sans procureur, sans papier timbré, et qui traitait les plaideurs à la façon d’Amphitryon. Sur sa cathèdre, chaise historique tirée du musée ( ? ) de la Fourca par la grâce du petou (ainsi désignait-on le maire), Titin semblait moins présider un tribunal que présider une ripaille. Sa parole était d’autant mieux écoutée qu’on l’entendait le verre en main. À l’instar de ces assemblées d’étudiants d’outre-Rhin où se pratique « le jugement de bière », Titin mit à la mode le jugement de « blec » (de vin) ! Les justices de paix furent délaissées et une grande tranquillité régna dans tout le pays. Ce fut l’âge d’or de la