Page:Leroux - Le fils de trois pères, Baudinière, 1926.djvu/229

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

long voile blanc sous lequel on ne distinguait encore aucun visage…

Mais nul ne s’y trompait. Et chacun disait son mot :

— Je la vois d’ici, faisait Pistafun, avec ses cheveux dorés, ses yeux comme œillets maritimes, ses joues couleur de rose et son petit nez retroussé qui vous fait si gentiment le bonjour. Pas Titin ? on ne se trompe pas de beaucoup, diable…

— Ma foi, répondait Titin, c’est bien à peu près comme cela que je la vois aussi, mais pour en être plus sûr, vois-tu, Pistafun, je ne la ferai, la mariée, que lorsqu’elle viendra poser elle-même, dans sa robe blanche, eh ?

— Elle viendra, Titin ! Tu peux l’avoir, la patience. En attendant, travaille à son entour. Ce n’est pas l’ouvrage qui te manque. Il n’est pas fini, le tableau.

— Et si elle ne venait pas ? disait Nathalie, il ne serait jamais fini.

— Si ! répondait Titin en traçant de nouvelles silhouettes avec sa craie de tailleur. Seulement, la figure ne serait pas la même, Nathalie !

— Et quelle figure vois-tu qui pourrait remplacer celle-là ?

— Une figure, répliquait l’impassible Titin, qui aurait à la place des yeux et du nez trois gros trous noirs qui font très bien en peinture sous le voile avec lequel on va danser au cimetière !

— Comme il l’aime ! soupirait Nathalie.

Quant à Giaousé, il ne disait rien, mais il riait mauvaisement en regardant sa femme.

Cette peinture était l’événement du pays,