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JOSEPH ROULETABILLE

« Avec ce pied, s’écria-t-il, je ferai un article de tête. »

Puis, quand il eut confié le sinistre colis au médecin légiste attaché à la rédaction de l’Époque, il demanda à celui qui allait être bientôt Rouletabille ce qu’il voulait gagner pour faire partie, en qualité de petit reporter, du service des « faits divers ».

« Deux cents francs par mois », fit modestement le jeune homme, surpris jusqu’à la suffocation d’une pareille proposition.

« Vous en aurez deux cent cinquante, repartit le rédacteur en chef ; seulement vous déclarerez à tout le monde que vous faites partie de la rédaction depuis un mois. Qu’il soit bien entendu que ce n’est pas vous qui avez découvert « le pied gauche de la rue Oberkampf », mais le journal l’Époque. Ici, mon petit ami, l’individu n’est rien ; le journal est tout ! »

Sur quoi il pria le nouveau rédacteur de se retirer. Sur le seuil de la porte, il le retint cependant pour lui demander son nom. L’autre répondit :

« Joseph Joséphin.

– Ça n’est pas un nom, ça, fit le rédacteur en chef, mais puisque vous ne signez pas, ça n’a pas d’importance… »

Tout de suite, le rédacteur imberbe se fit beaucoup d’amis, car il était serviable et doué d’une bonne humeur qui enchantait les plus grognons, et désarma les plus jaloux. Au café du Barreau où