Page:Leroux - Le mystère de la chambre jaune, 1932, Partie 1.djvu/59

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
57
UNE PHRASE QUI PRODUIT SON EFFET

je vous en prie… Rappelez-vous le bel article que je vous ai fait à propos des « Lingots d’or ». Un petit mot à M. Robert Darzac, s’il vous plaît ? »

La figure de Rouletabille était vraiment comique à voir en ce moment. Elle reflétait un désir si irrésistible de franchir ce seuil au-delà duquel il se passait quelque prodigieux mystère ; elle suppliait avec une telle éloquence non seulement de la bouche et des yeux, mais encore de tous les traits, que je ne pus m’empêcher d’éclater de rire. Frédéric Larsan, pas plus que moi, ne garda son sérieux.

Cependant, derrière la grille, Frédéric Larsan remettait tranquillement la clef dans sa poche. Je l’examinai.

C’était un homme qui pouvait avoir une cinquantaine d’années. Sa tête était belle, aux cheveux grisonnants, au teint mat, au profil dur ; le front était proéminent ; le menton et les joues étaient rasés avec soin ; la lèvre, sans moustache, était finement dessinée ; les yeux, un peu petits et ronds, fixaient les gens bien en face d’un regard fouilleur qui étonnait et inquiétait. Il était de taille moyenne et bien prise ; l’allure générale était élégante et sympathique. Rien du policier vulgaire. C’était un grand artiste en son genre, et il le savait, et l’on sentait qu’il avait une haute idée de lui-même. Le ton de sa conversation était d’un sceptique et d’un désabusé. Son étrange profession lui avait fait côtoyer tant de crimes et de vilenies qu’il eût été