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LES ÉTRANGES NOCES

sard d’une randonnée, Rouletabille l’avait trouvé. Le général mourait littéralement de faim et ses officiers d’ordonnance étaient en train de gratter de leurs ongles la terre d’un maigre jardin, afin d’en extraire des racines de maïs qu’on faisait délayer et bouillir dans un peu de farine. C’est tout ce qu’avait à manger le commandant en chef d’une armée de 175 000 hommes !

Rouletabille avait donné à Abdullah pacha quelques boîtes de conserves qu’il avait emportées avec lui, et pendant trois jours, c’est lui, le reporter, qui avait nourri le général en chef.

— Oui, mais vous étiez au premier poste pour apprendre les nouvelles ! lui fit remarquer le premier secrétaire.

— Ne croyez pas cela, répondit Rouletabille. Ce pauvre général était toujours le dernier à apprendre quelque chose… Il n’avait ni télégraphe, ni téléphone de campagne, ni aéroplane, ni rien… Les routes étaient si mauvaises qu’il ne pouvait même pas avoir d’estafettes. C’est moi qui, au prix de mille difficultés, lui ai appris la déroute de ses troupes autour de Turkbey !

— Enfin nous assistons à la ruine de la Turquie, dit un confrère.

— Oh ! la ruine ? C’est bientôt dit !… Si on voulait défendre Tchataldja… fit Rouletabille.

— Dans tous les cas, nous allons assister à une révolution, répartit le journaliste.