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DE ROULETABILLE
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avaient entassé leur mobilier. Ils passèrent une partie de la nuit à les décharger, cependant que, sur la place, les réguliers et les bachi-bouzouks devisaient en fumant et en buvant du raki autour de grands feux.

C’est en vain que nos jeunes gens essayèrent plusieurs fois de sortir. Ils n’avaient pas plus tôt risqué quelques pas dehors qu’ils étaient obligés de regagner leur retraite s’ils ne voulaient pas être découverts. Au fur et à mesure que les minutes s’écoulaient, leur situation devenait plus tragique : ils n’attendaient plus l’armée bulgare avant la journée du lendemain et ils ne doutaient pas que, pour une raison ou pour une autre, leurs hôtes ne descendissent bientôt dans les caves,

— Si encore elles étaient pleines de vin ! soupira La Candeur, qui ignorait les lois du Prophète et qui, depuis le donjon où il avait cru trouver la mort, s’efforçait, de temps à autre, à se donner des airs de bravache et affectait, par désespoir, de rire de tout… Ça n’est pas plus désolant qu’autre chose de passer sa vie dans une cave quand elle est bien garnie… Ainsi, Rouletabille, rappelle-toi, dans les Trois Mousquetaires, rappelle-toi Athos assiégé dans une cave, et le massacre de bouteilles qu’il faisait !…

— Mon pauvre La Candeur… dit Rouletabille, tu n’as vraiment pas de veine… je t’ai conduit dans un pays où le massacre des bouteilles est le seul qui soit défendu !