Page:Leroux - Mister Flow.djvu/170

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me déchire l’âme. Nous voici changés en statues. Cinq minutes de silence, mais rien ne vient nous troubler. Est-ce bête d’avoir des peurs pareilles pour un petit bruit comme ça dans la nuit ! Helena, j’en suis sûr, n’a pas peur, elle ! Elle reste cinq minutes immobile parce que c’est certainement recommandé après un bruit insolite par le parfait manuel des cambrioleurs. Allons ! Je vois que cela va mieux !… Et puis une femme et une petite fille ! Hein ? Même si elles ont entendu quelque chose… Je les vois d’ici, tremblant d’épouvante sous leurs couverture… Ne renversons pas les rôles. C’est moi Croquemitaine !

Nous ne perdons pas de temps en appréciations plus ou moins artistiques sur les Rubens. Moi je n’aime pas les Rubens. Ses femmes, ça n’est pas mon genre. Helena m’avoue qu’elle ne les aime pas non plus. Mais nous faisons comme si nous les aimions. Helena a vite fait de les détacher de leurs cadres et de les rouler. Elle me les passe. Elle me charge aussi des dentelles des Flandres. Mais elle m’a repris la matraque et elle marche devant. J’ai l’air d’un déménageur. J’ai soif. Je prendrais bien un coup de pinard. Helena connaît les usages. Nous pénétrons dans la cuisine où nous dénichons un litre de vin rouge, un siphon, un litre d’eau-de-vie et, dans le garde-manger, un morceau de fromage de gruyère. Avec un quignon de pain, voilà notre affaire. Et nous faisons le casse-croûte sur le coin de la table de bois blanc, soigneusement raclé. Ça n’est pas un repas de théâtre, un souper de cambrioleurs à la manque