Page:Leroux - Mister Flow.djvu/284

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et me fit signe de le suivre. Je n’étais pas rassuré du tout, du tout ! Nous traversâmes une première pièce, puis l’enfant ouvrit la porte de la chambre. Aussitôt, j’aperçus, sur son lit, sir Archibald, qui tendait les mains vers moi. Ses grands yeux étaient encore plus pâles, plus effacés, bien qu’il les ouvrît tout grands sur moi, immenses et pâles. Il me regardait comme derrière une vitre froide et claire, claire. Sa mine était celle d’un homme qui avait beaucoup souffert, mais son aspect général, celui d’un homme parfaitement vivant et qui ne tient point à mourir de sitôt.

Il m’embrassa presque en me remerciant d’être venu, et en regrettant que les circonstances ne lui eussent pas permis de me faire un meilleur accueil. Puis il se tourna vers l’enfant et lui fit signe de disparaître. Celui-ci aussitôt ouvrit une porte au fond de la pièce et nous laissa seuls.

— C’est, dit-il, mon petit page (my little page). Il répéta plusieurs fois : « My little page ! » le seul être qui m’aime au monde, le seul en qui j’aie confiance ! Un enfant ! un enfant ! Voilà mon seul soutien ici-bas. C’est le fils de mon vieux serviteur Patrick… Je l’ai toujours gâté… Oui, assurément, je n’ai plus confiance qu’en lui, car il m’aime.

Soudain, il se souleva et m’attirant contre sa figure, il me dit d’une voix sourde :

— Je crois bien qu’on a voulu m’empoisonner !…

Je reculai, frappé d’horreur, mais il m’attirait plus près de lui encore, et son regard blanc m’épouvantait :