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ROULETABILLE CHEZ KRUPP

de suite dans un désordre physique et moral extrême. Je n’eus pas de mal à comprendre que j’avais en face de moi le Polonais au premier mouvement qu’il fit en apercevant Nicole : il se jeta à ses pieds. En même temps, le général faisait un signe à Richter et à Helena et ces derniers quittèrent la pièce.

« Nicole avait reculé sa chaise devant le mouvement de Serge. Mais celui-ci continuait de se traîner vers elle à genoux, sans entendre les objurgations très rudes de von Berg qui lui conseillait d’être raisonnable s’il tenait à ce que cette entrevue avec sa fiancée fût suivie de quelques autres.

« Mais l’autre ne faisait que pleurer et gémir et demander pardon ! et il voulait embrasser les pieds de Nicole et il baisait le bas de sa jupe et il la suppliait de lui dire si elle l’aimait toujours !…

« Mais Nicole ne répondait pas. Et son visage était de plus en plus dur…

« En ce qui me concerne (c’est Rouletabille qui parle), je ne pouvais m’empêcher de me demander, en face de cette double attitude, s’il n’y avait point là-dessous une grande part de comédie destinée à bien faire comprendre au général boche qu’il n’avait pas été trompé et que l’usine possédait entièrement tout le secret de la Titania.

« Certes, il devait y avoir quelque chose comme ceci, mais je dus me rendre à cette autre évidence que l’hostilité de Nicole était trop réelle pour ne s’adresser qu’à un homme qui n’aurait fait encore que le simulacre de trahir. Elle visait certainement un homme qu’elle savait capable de trahir et prêt à trahir tout à fait ! toujours pour l’amour d’elle !

Que Serge fût prêt à cela, je ne pouvais pas en douter plus que Nicole elle-même et plus que Fulber ! (se rappeler la confidence de Fulber à Malet rapportée par Nourry), et telle était ma pensée parce que les larmes sincères que le Polonais versait dans le moment et son désespoir nullement fictif n’auraient pu se rapporter à un faux crime