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ROULETABILLE CHEZ KRUPP

letabille, leva le bras droit comme pour saluer et, soudain, abattit sur le front du sous-off son coup de poing de la peur.

L’autre ne poussa même pas un soupir. Il tomba foudroyé, dans un ruisseau qui roulait des eaux noires tout le long du mur.

« Bonsoir de bonsoir ! il va me salir ma belle capote ! s’exclama La Candeur en se précipitant sur le corps et en le tirant à lui… Puis se tournant vers Rouletabille :

— Crois-tu que j’ai bien tapé ?… demanda-t-il.

— Comme un sourd ! répondit le reporter. Je t’avais averti !… Mais il ne s’agit pas de faire des discours !… Donne-moi ta capote et ta casquette que je vais mettre dans la voiture et passe vite son habit. Mets sa casquette à lui !… Te voilà maintenant beau comme un astre !… et je te dois obéissance !… et on nous fichera la paix, maintenant que tu es gradé !…

— Qu’est-ce que nous allons faire du corps ? demanda La Candeur, on ne peut pas le laisser là !…

— Non ! mets-le sur ton épaule ! vite !…

— Nous avons un pic et une pioche… on pourrait peut-être l’enterrer ? » émit La Candeur en hissant le cadavre sur son dos avec l’aide de Rouletabille.

« Penses-tu ?… lui faudrait peut-être aussi un monument avec une croix dessus !… Allons, marche !… »

À quelques pas de là, Rouletabille avait déjà vu que le ruisseau se jetait dans une grande piscine qui devait être des plus profondes à en juger d’après la quantité d’eau sale et fumante qui sortait des conduites de fonte et se déversait dans cette sentine ; la gueule énorme d’un égout reprenait cette onde malsaine pour la conduire on ne savait où… mais le fond même du bassin ne devait jamais être à sec ; et le reporter avait tout de suite estimé que ce serait là un tombe admirable pour le corps d’un sous-officier boche qui devait disparaître sans laisser de trace.

C’est avec peine que Rouletabille se sépara d’une des deux cordes à nœuds qui se trouvaient dans leur petite