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ROULETABILLE CHEZ KRUPP

— T’as peut-être tort !… Qu’est-ce que tu veux en faire !

— Elles sont si commodes pour la promenade !…

— Eh ben ! je vais te dire une chose, c’est que je commence à en avoir assez, moi, de me promener ! Si on rentrait se coucher ! c’est pas ton avis ?

— Ma foi, non !… On est très bien ici !… on va, on vient, on se balade partout où l’on veut !… on voit tout !… on s’instruit !… Tiens ! regarde ! Tu ne trouves pas ça épatant : le spectacle de la fonderie, la nuit ?… Tu l’as dit toi-même : « C’est beau, l’enfer ! »

— J’ai peur qu’il nous brûle !… »

Mais Rouletabille, sans plus s’occuper de la méchante humeur de son compagnon, s’était mis à précipiter soudain sa marche de telle sorte que La Candeur, qui poussait alors le petit char, avait peine à le suivre.

« Mais où que tu cours comme cela ?… geignait-il derrière lui… T’es pas un peu maboule !… Tu ne vois pas qu’il y a un monde fou par là ?… Mon vieux ! c’est plein d’officiers ! Va pas par là, bonsoir de bonsoir !… Ah ! mon Dieu ! Ah ! mon Dieu !… mais je ne rêve pas… Rouletabille !… Rouletabille !… Tiens, là, dans le groupe derrière les officiers… mais… mais c’est Vladimir !…

— Eh bien ! est-ce que je n’avais pas promis de te le faire voir ce soir ? lui souffla Rouletabille en s’arrêtant brusquement… et maintenant, penche-toi à gauche !… Regarde un peu, là, entre la grande grue et la locomotive ! Vois cet homme debout à l’entrée de l’atelier !… tu ne le connais pas ?… tu ne le reconnais pas !… Il est pourtant bien éclairé par la flamme qui sort des creusets !… On le dirait dans le feu !… Oui ! l’homme qui lève le bras et qui a l’air de commander au feu !…

— Mais c’est… mais c’est l’Empereur ! murmura La Candeur avec un recul instinctif… et, terrifié, il ajouta immédiatement : Fichons le camp !

— Au contraire, dit Rouletabille : au contraire, suivons-le ! »