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À FOND DE CALE

et d’angoisse farouche… si elle était sauvée, tu ne me parlerais pas ainsi !… Elle est morte !… Elle est morte !… Misère de ma vie !… elle est morte et nous sommes vivants !… »

Rouletabille, cette fois, ne répondit pas. Il alla chercher, au fond d’une de ses poches, un papier, le déploya lentement et le donna au Polonais…

Serge prit machinalement la feuilles.. Il ne comprenait pas.

Rouletabille lui dit :

« Lis ! »

Et le Polonais, à la lueur rouge du falot, lut.

Quand il eut fini de lire ce qui était écrit sur cette feuille, quand il eut pris connaissance de ce blanc-seing donné au criminel par la victime elle-même, il n’y eut plus ni cri, ni soupir, ni râle, ni rien… la tête de l’homme retomba et frappa l’entrepont d’un bruit sourd…

Rouletabille ranima en vain le corps inerte. La vie de cet homme était si liée à la vie de Nicole, que l’idée même de la mort de Nicole avait quasi jeté Serge au néant.

Pour l’en faire sortir, il ne fallut rien moins que l’eau glacée d’une bouteille que le reporter alla chercher dans sa caisse et surtout que cet imprévu dictame glissé dans l’oreille : Elle n’est peut-être pas morte !…

L’homme eut un mouvement, un soupir, et rouvrit les yeux.

Le passage de la vie furieuse de tout à l’heure à ce presque anéantissement déterminé par l’idée seule de la mort de l’objet aimé avait été prévu par Rouletabille et la brutalité de son acte avait été calculée, dans l’espérance d’une possibilité d’explications auxquelles il eut fallu renoncer sans ce coup d’assommoir.

Cependant, le reporter était à bout, lui aussi, de ses forces. Son œuvre était accomplie. Quoi qu’il arrivât maintenant, jamais plus les Boches ne disposeraient des