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ROULETABILLE TRAVAILLE

— Tu parles ! Mais j’aime encore mieux l’amie qui l’accompagne, elle est moins filasse ! tu sais, des goûts et des couleurs, il n’y a pas à discuter !… L’autre est presque châtaine ! Elle est plus de chez nous ! quoi ! si on peut dire !… »

D’une voix changée, Rouletabille, qui cependant venait de jurer de ne plus s’émouvoir de rien, demanda :

« Tu… Tu ne sais pas qui est son amie ?…

— Ma foi non !… Ce n’est pas la première fois que je la vois avec Helena Hans… Helena vient voir Richter tous les jours… C’est une amie qui doit habiter avec elle dans l’usine, sans quoi on ne les verrait pas si souvent ensemble !…

— Et quand elles viennent ensemble, il y a toujours derrière cette espèce d’ordonnance qui se tient les bras croisés dans l’auto ?…

— Oui ! Toujours !… Ça doit être le chauffeur !… Mais c’est toujours Helena qui conduit !… Tiens ! Elles descendent toutes les deux et entrent chez Richter…

— Oui, et l’ordonnance les accompagne !… Tu vois bien que ça n’est pas le chauffeur !

— Possible ! Ça t’intéresse ?…

— Moi ?… Pas le moins du monde !… »

Rouletabille dévorait des yeux la silhouette féminine qui disparaissait sur le perron de Richter, entre Helena et l’ordonnance… Il avait reconnu Nicole !

Oui, c’était bien Nicole Fulber telle qu’il l’avait vue sur des portraits prêtés par la mère, telle qu’elle lui avait été décrite avec sa haute taille onduleuse, sa chevelure châtain à reflets cuivrés, sa belle tête, toujours un peu penchée, son profil busqué et fin, ses grands yeux d’un bleu très sombre, toute cette physionomie qui lui donnait un air tout à fait à part de mélancolie hostile…

« Nous sommes arrivés ! » dit La Candeur.

En effet, ils pénétraient dans une grande cour entourée d’ateliers. Ces ateliers étaient partagés en trois séries : la première dans laquelle on fabriquait les pièces les plus