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Page:Leroux - Rouletabille chez les bohémiens, paru dans Le Matin, 1922.djvu/134

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vous en douter !… Lui roule tout le monde ! Oh ! il n’a pas volé son nom… Il m’a bien roulée, moi !…

— Que vous a-t-il donc fait ?…

— Des choses graves !… fit-elle d’une voix sourde… mais il me les paiera… et pour me les payer… il me faudra…

— Quoi donc ?

— Si je vous le disais, vous me demanderiez d’avoir pitié de lui !…

— Savez-vous que vous êtes féroce !…

— Ce n’est une nouvelle pour personne !…

Elle vida un verre plein de champagne :

— Voyez-vous, cher, ce petit-là s’est moqué de moi !… Il a joué avec l’amour !… moi, je ne joue jamais avec l’amour !… C’est tout ou rien !… Ça dure ce que cela dure, en vérité !… mais je ne trompe personne !… On sait à quoi l’on s’expose !… Lui, il a agi comme un fourbe ! Il ne m’aimait pas… je n’ai rien à vous cacher… j’ai des hautes relations avec la très haute police… ça peut servir… ça peut servir à tout le monde !… ça lui a servi à lui !… Il m’a volé mes secrets… des secrets effroyables qu’il faut qu’il emporte dans la tombe ! le plus tôt possible, assurément !… Il m’a trahie !… Il m’a perdue auprès des grands chefs !… J’étais devenue une puissance… On devait compter avec moi, dans toute l’Europe !… même les plus forts ! ce petit m’a ridiculisée !… c’est terrible. Et je croyais qu’il m’aimait !… Il ne m’a jamais aimée !… Il n’aime qu’Odette !…

— Ah ! je m’en étais toujours douté ! s’écria Hubert…

— Cela prouve, cher, que vous n’êtes pas un imbécile !… Savez-vous que c’est une chose touchante que de voir votre union à tous les trois pour sauver une demoiselle que chacun de vous convoite pour sa part !… Et quand on pense que Jean a une confiance aveugle dans ce petit misérable !… Il croit que Rouletabille travaille dans son intérêt à lui, Jean… mais Rouletabille, sous ses dehors de bon garçon, n’a jamais travaillé que pour lui-même !… Il a juré qu’Odette serait sa femme !… mais moi, j’ai juré de me venger !… Cher, voulez-vous m’y aider ?… Vous y trouverez votre compte, je vous l’assure !… Odette ne sera peut-être pas la femme de Jean ! mais elle ne sera pas celle de Rouletabille !… Vous la désirez, M. de Lauriac ?… Je vous la donne !…

— Madame ! fit Lauriac, en lui tendant la main… j’accepte ! j’accepte moins Odette de votre main que l’alliance que vous m’offrez dans ces circonstances difficiles… Elle peut m’être utile, car en effet, Rouletabille est un adversaire redoutable !… Mais tranquillisez-vous, en ce qui concerne Mlle de Lavardens, elle ne peut plus m’échapper !…

— Je ne demande pas mieux que de vous croire, émit Mme de Meyrens, nullement persuadée… mais ne vous faites-vous point des illusions ?…

— Aucune !…

— Et qui vous rend si sûr de vous-même ?

— Ah ! voilà !… Vous me demandez tous mes secrets… et je ne vous ai encore rien demandé, moi !…

— Vous n’êtes pas d’un naturel confiant, M. de Lauriac !… Allons, que désirez-vous savoir ?

— Ceci : Avez-vous des preuves de la fourberie de Rouletabille relativement à sa conduite avec son ami Jean… Et avec Mlle de Lavardens ?

— Mieux !… J’ai mieux que cela !… J’ai les preuves de l’entente parfaite de Mlle de Lavardens et de Rouletabille !

— Pas possible ! s’écria Hubert en se levant… des preuves irréfutables ?…

— Des preuves terribles…