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Page:Leroux - Rouletabille chez les bohémiens, paru dans Le Matin, 1922.djvu/180

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Maintenant, c’est Zina qui veille au fond de l’ombre du fatal corridor qui conduit à tant d’agonies… Elle veille pendant que Jean et Odette mêlent leurs larmes de bonheur et de désespoir…

— Et moi qui croyais que tu ne m’aimais plus ! soupirait la pauvre enfant, défaillante. C’est un crime, cela, Jean ! le plus horrible des crimes !…

« Elle n’est pas la seule, pensait Jean plein de remords, à avoir commis ce crime-là !… Et c’est peut-être de ce crime-là que je suis puni ! »

Car maintenant, sous cette fraîche haleine, devant ce front si pur… tous les horribles soupçons nés de la méchanceté d’Hubert et des singulières façons de Rouletabille se sont enfuis, dissipés à jamais… Jean n’a plus qu’une crainte, c’est qu’Odette puisse jamais soupçonner qu’il a été habité quelque temps par une aussi horrible pensée…

— Figure-toi, lui dit-elle, en le serrant dans ses bras, figure-toi que cet abominable Hubert m’avait dit que tu ne voulais plus me connaître depuis que tu savais que j’étais une petite bohémienne !

— Et tu l’as cru !… lui reprocha Jean avec douleur…

— Non ! non, je ne l’ai pas cru !… Mais Hubert était accouru… Rouletabille était accouru !… et je n’entendais plus parler de toi que par ce misérable qui me disait que je t’étais devenue indifférente !… Alors mon chagrin n’avait plus de limite !… Je ne savais plus ce que je pensais !… Je devenais folle !… Et j’aurais voulu mourir !

— Ma chérie !… Ma chérie !…

— Comme je ne pouvais plus entendre cet Hubert ni le voir !… comme je me détournais de lui avec horreur !… il m’a ramenée aux bohémiens. Mais j’aimais mieux cela que de rester encore avec lui !… Mais le terrible est qu’il m’a ramenée pour que les bohémiens me forcent à l’épouser à leur mode et suivant ce qui est écrit !… Tout de même, je n’ai pas peur parce que je suis la queyra, et que la queyra fait tout ce qu’elle veut ! Zina m’a expliqué cela… Alors il faudra bien, puisque je le veux, que ces gens-là nous marient ensemble ! Et c’est Hubert qui sera enfermé dans ce cachot, comme il le mérite ! Après quelques semaines de réflexion, nous lui permettrons de s’en aller, et je crois que cette fois nous n’entendrons plus jamais parler de lui !…