Page:Leroux - Sur mon chemin.djvu/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
92
SUR MON CHEMIN

On finit par s’entendre avec le Mérite agricole.

Nous avons quitté Corte en contemplant les travaux de fortification de la gare, qu’exigea récemment le génie, qui coulèrent 30,000 francs et dont on revend les matériaux aujourd’hui pour trois billets de cent francs. L’art de la guerre brûle tout le temps ce qu’il a adoré. Après le pont du Vecchio, qui est hardi, nous gravîmes en lacet les montagnes jusqu’à Vizzavona, qui pourrait faire la plus charmante station d’été de tout le bassin de la Méditerranée. Nous y avons rencontré surtout des bandits. On avait pris la précaution de les aligner à la sortie de la gare, et nous fûmes reçus avec force pétarades. Ils avaient de grandes barbes blanches et les yeux doux, un tas de poignards et de pistolets à la ceinture, un fusil de chasse dans les mains. Ils étaient vêtus d’un complet de velours marron, et leurs bottes étaient convenablement cirées. Sur leur tête pendait crânement le bonnet noir phrygien. Ils étaient commandés par Bellacoscia, qui a tant de vrais crimes sur la conscience et à cause duquel tant d’honnêtes gendarmes ne voient plus la lumière du soleil. Tout notre monde officiel n’eut pas plutôt aperçu ce groupe de bandits qu’il se jeta dessus. J’assistai à une effusion qui sera le plus beau jour de ma vie. Le trouble que j’en ressentis ne me permet pas de m’exprimer autrement.

Emmanuel Arène, en habit, la poitrine barrée de tricolore, serra sur son cœur et embrassa sur les joues l’illustre bandit.