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SUR MON CHEMIN

Ajaccio, continuant notre route à travers les montagnes, qui sont plus vertes et riantes sur ce versant. Quelques maisonnettes s’apercevaient sur des pics élevés. Un homme politique me les montra en me disant :

— Ce devrait être défendu d’habiter si haut que ça : si vous saviez ce que c’est fatigant pour les tournées électorales !

Ajaccio est coquette et jolie, aimablement parée de palmiers et ceinturée d’eucalyptus. Tout le monde était dehors pour voir Lockroy et Emmanouele ! On a beaucoup crié : « Vive Lockroy ! » et « Vive Emmanouele ! » On a crié aussi : « Vive l’empereur ! »

On n’a le temps de rien voir dans ce mirifique voyage, et, dès la première heure, le lendemain qui est aujourd’hui, on mettait le cap sur Bonifacio. Cela, par exemple, c’est joli ! Voir un coucher de soleil entre la Sardaigne et la Corse ; voir l’astre éclairer de ses rayons obliques les hautes falaises qui s’avancent en éperons sur la mer et les peindre de rose ; voir l’archipel des petites îles flamber comme des phares, puis s’éteindre peu à peu pour n’être plus que de larges gouttes de sang écarlate sur les eaux, et voir Bonifacio sur son rocher, dressant, dans l’azur qui se pique déjà d’étoiles, ses hautes masures toutes blanches, éclatantes comme des marbres, et ses murailles crénelées, et ses vieilles tours génoises, des murailles des premiers temps de l’histoire, comme on en voit dans les paysages de Judée,