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ESCALE

le fûmes. On nous attendait depuis sept heures du matin. Trente landaus furent attelés inutilement, que l’on détela à midi. Sept heures de retard avec ce vent et cette mer. La joie de débarquer et l’heureuse perspective de ne devoir plus, le soir, dîner dans des boîtes à jaquet, qu’ils appellent à bord des « violons » !

Notre bonheur fut court. Plutôt la Baltique tout de suite que cette désillusion. Où donc la plage désolée où notre imagination avait placé Elseneur ? Où donc cette grève perdue vers le nord du monde ? Où l’ombre de ce château que hanta l’ombre d’un roi ?

Elseneur, tu as des usines avec leurs cheminées, avec le bruit de leurs marteaux et de leur ferraille ; tu construis des navires, tes quais reçoivent les denrées, et tes habitants sont uniquement versés dans l’art des transactions, et ton château n’est qu’une caserne, avec des soldats !

Certes, le style n’en est point banal. Les tours semblent des minarets et n’en sont point ; les portiques s’encadrent de consoles renversées et n’appartiennent point à l’architecture jésuite ; des coins veulent avoir des airs de châteaux-forts et ne datent point du moyen âge. Car il fut construit, ce château de rêve, en 1690, cent ans après que Shakespeare eut l’idée d’y faire vivre son drame ! Alors ?

Alors j’allai contempler le Sund, et je montai sur des contrescarpes qui datent de Vauban, et je fus appréhendé au corps par une sentinelle