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COIN DE FÊTES

J’entrai dans des magasins de la perspective Nevsky et dans les rues qui la traversent. Je m’adressai à des compatriotes établis dans la ville depuis longtemps. Ils me l’ont fait connaître. Ils m’ont dit les raisons du silence la veille et des acclamations du lendemain. Ils m’ont surtout dévoilé les véritables sentiments de ce peuple que j’interrogeais tout à l’heure et dont la réponse m’avait laissé rêveur. Elle était pourtant étrangement claire. Et l’on m’a expliqué que, dans son adoration pour le « Petit Père », le peuple avait puisé son amour pour nous. Le tsar « ordonne » que l’on aime, et l’on aime pieusement, religieusement. Pour ce peuple, la nouvelle alliance est un nouveau rite.

Chez les commerçants, chez les bourgeois, c’est de la sympathie. Une sympathie très grande, « qui ne s’est pas encore manifestée à l’extérieur, nous répond un de nos interviewés, parce que nous n’en avons pas le droit ».

— La décoration des façades n’a pu être commencée que ce matin (22 août), on n’aura le droit d’arborer les drapeaux que le 23, jour de l’arrivée du président à Cronstadt. Alors, vous verrez. Les murs disparaîtront sous les tentures, les drapeaux seront à toutes les fenêtres, et les arcs de triomphe surgiront en une nuit.

Ainsi fut fait. La ville, à cette heure, a jeté sur ses épaules de pierre un immense vélum tricolore.

— Nous nous y mettrons tous. Ça ne sera pas long, vous verrez.