Page:Leroux - Sur mon chemin.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
150
SUR MON CHEMIN

tudes d’espoir, et de crainte et de colère par lesquels nous passâmes à le voir s’obstiner à monter ainsi sur les prés, d’où les vaches nous contemplaient d’un œil placide et d’où les indigènes nous regardaient sans étonnement et sans manifestation, chose que nous nous expliquâmes quand on nous apprit qu’ils étaient blasés sur cette sorte de spectacle.

On prit pitié de nous. On nous envoya un second remorqueur, le München, au moment où nous nous collions dans le voilier norvégien l’Amcer, à six heures du soir. Il nous semblait que nous étions dans ce canal depuis des années et que nous faisions un mauvais rêve. Il pleuvait alors. Des bandes immenses d’étourneaux glissaient au-dessus des mâts, jetant sur le ciel gris leur écharpe noire.

Ce second remorqueur avait été demandé, exigé par notre commandant. Les pilotes allemands avaient refusé jusqu’à cette heure d’exécuter ses ordres et d’écouter ses observations. Quand le München arriva, ce fut bien autre chose. Il ne nous secourut que lorsque nous lûmes collés aux rives et rejeta nos amarres dès que nous fûmes au centre du canal. Ainsi faisaient les pilotes à leur tête, haussant les épaules quand le commandant leur criait d’user à la fois des remorqueurs à l’avant et à l’arrière, suivant l’oscilation du navire. Le München s’obstinait à nous suivre et à nous regarder, attendant l’échouage. Il paraissait un requin filant un navire